L’Hexane : Un Solvant Invisible aux Risques Bien Réels

Hexane - hydrocarbure saturé de la famille des alcanes

L’Hexane : Un Solvant Invisible aux Risques Bien Réels

L’hexane, un solvant issu du pétrole, est omniprésent dans nos vies, bien qu’invisible à l’œil nu. Utilisé dans des industries variées comme la fabrication de meubles, le textile et la cosmétique, il joue également un rôle majeur dans l’industrie agroalimentaire. Pourtant, sa présence discrète n’en masque pas les dangers : ses effets potentiels sur la santé humaine et sur l’environnement suscitent aujourd’hui de vives inquiétudes. Décryptons ce solvant controversé et les risques qu’il pourrait faire peser sur la santé publique.

Un Solvant Multi-Usages dans Nos Assiettes

L’hexane, un mélange d’hydrocarbures saturés (formule C6H14), est prisé pour son efficacité et son faible coût dans l’extraction d’huiles végétales à partir de graines telles que le soja, le colza et le tournesol. Il est un auxiliaire technologique, c’est-à-dire un produit chimique qui facilite la transformation des matières premières sans être considéré comme un ingrédient. Il est également employé dans des aliments courants : margarine, lait infantile, protéines végétales, beurre de cacao et farines de soja.

Malgré une réglementation européenne limitant la présence de résidus d’hexane à 1 mg/kg dans les huiles et beurres de cacao, et jusqu’à 30 mg/kg dans les produits de soja dégraissés, ce solvant demeure omniprésent. Cependant, contrairement aux additifs, l’hexane n’apparaît pas sur les étiquettes, rendant sa présence difficile à détecter pour le consommateur.

Bien qu’elles soient une bonne alternative à la viande, les protéines végétales texturées (PVT), issues notamment du soja, peuvent également contenir des résidus d’hexane lorsqu’elles sont produites à l’échelle industrielle. Comme pour les huiles, le procédé d’extraction par hexane est fréquemment employé dans la fabrication des protéines de soja dégraissées, une étape qui contribue à la production des PVT. Ces résidus d’hexane peuvent ainsi se retrouver dans les PVT, mais comme pour d’autres produits alimentaires issus de procédés utilisant des auxiliaires technologiques, l’hexane n’est pas mentionné sur l’étiquette.

Les Risques pour la Santé Humaine

Le problème principal de l’hexane réside dans sa toxicité. Classé par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) comme neurotoxique, il présente des effets délétères en cas d’exposition prolongée. Des études ont démontré que l’hexane peut provoquer des faiblesses musculaires, des paralysies et des dommages irréversibles au système nerveux, surtout en cas d’exposition professionnelle. De plus, son métabolite toxique, le 2,5-hexanedione (2,5-HD), a été détecté dans les urines non seulement des travailleurs exposés, mais aussi de la population générale.

Des préoccupations émergent également quant à ses effets sur le système reproductif. Bien que la recherche en soit encore à ses prémices, les études suggèrent que l’hexane pourrait perturber la fertilité et représenter un risque accru pour les femmes enceintes, les incitant à privilégier des huiles moins industrialisées, comme l’huile d’olive.

Une Évaluation Européenne Dépassée

En 2009, l’Union européenne a autorisé l’usage de l’hexane pour l’extraction d’huiles alimentaires, se basant sur des études aujourd’hui jugées insuffisantes. La toxicité de l’hexane n’a pas fait l’objet d’une revue récente par les autorités sanitaires jusqu’à une évaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2022. Cette dernière a appelé à une nouvelle évaluation de la sécurité de l’hexane dans l’alimentation, soulignant des risques potentiels pour les populations les plus sensibles, notamment les nourrissons.

Des Alternatives Plus Vertes en Développement

Face à ces risques, des alternatives à l’hexane émergent. Le 2-méthyloxolane, un solvant biosourcé et entièrement d’origine végétale, a récemment été autorisé par l’Union européenne comme solution de remplacement. Produit à partir de coproduits agricoles, comme la bagasse de canne à sucre, le 2-méthyloxolane offre une extraction efficace des huiles sans les dangers de l’hexane, permettant ainsi de réduire l’exposition aux hydrocarbures dans notre alimentation. Des technologies telles que le CO₂ supercritique et l’extraction à l’éthanol chaud sont également des alternatives prometteuses.

Vers une Prise de Conscience Collective ?

Le député français Richard Ramos a récemment tiré la sonnette d’alarme, demandant l’instauration d’une taxe sur les producteurs d’hexane pour encourager les industriels à se tourner vers des solutions moins nocives. Cette initiative, soutenue par de nombreux experts en santé publique, pourrait signaler le début d’un changement vers des pratiques plus sûres et transparentes pour les consommateurs.

À l’aube de ce qui pourrait devenir un scandale de santé publique, la question de l’hexane pousse à s’interroger sur notre dépendance aux solvants chimiques dans l’agroalimentaire. Les avancées en matière de chimie verte et l’autorisation d’alternatives biosourcées marquent un premier pas vers des pratiques plus durables, mais l’hexane demeure pour l’instant un composant incontournable et invisible dans nos assiettes.

Conclusion : L’hexane est un solvant qui, malgré son efficacité indéniable, présente des risques de toxicité pour la santé humaine. Sa réévaluation par les autorités européennes de sécurité alimentaire est cruciale, tout comme le soutien aux alternatives écologiques qui permettraient de réduire sa présence dans notre alimentation. En attendant, la transparence envers les consommateurs et l’adoption de solutions plus sûres constituent les étapes nécessaires pour éviter une exposition prolongée à ce solvant pétrolier.


En octobre 2024, le journal Libération publie une enquête approfondie sur l’usage de l’hexane dans l’industrie alimentaire en France, mettant en lumière les risques sanitaires graves que cela pourrait présenter. Cette investigation révèle que malgré des limites réglementaires strictes, les résidus d’hexane continuent de se retrouver dans une gamme de produits alimentaires courants, soulevant des inquiétudes quant à leur impact potentiel sur la santé publique. Cette prise de conscience pourrait bien accélérer les appels à des alternatives plus sûres et à une réévaluation de l’hexane au sein de l’Union européenne

Du pétrole dans nos assiettes ? Libération 10/24

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